Peut-on tout pardonner ?
Il arrive que les circonstances, les individus nous assènent des blessures qui sont parfois difficile à oublier, mais surtout dures à pardonner.
Faut-il pour autant s’appliquer à la vengeance dans l’espoir de pouvoir guérir et retrouver une forme de paix intérieure ?
A un moment de notre vie nous avons toutes et tous été victimes d’une trahison, d’une insulte, d’un mensonge ou d’une agression provoquant une douleur impérissable. De telles blessures peuvent être aussi profondes que l’envie de se venger, de blesser à notre tour celui ou celle qui a provoqué le mal.
Cette réaction malheureusement humaine, ce besoin de vengeance ne peut avoir en retour que des effets dévastateurs sur soi-même, sans pour autant qu’on en retire une réelle satisfaction. Nous le savons tous comme une évidence en notre fort intérieur.
Ainsi, si on analyse les faits par une simple approche psychologique en excluant la notion de morale :
- La vengeance nous maintient dans le passé en nous empêchant de canaliser notre énergie de manière constructive pour le présent ou l’avenir.
- La blessure restera sans cesse ouverte tant que cette quête de représailles restera vivace.
- Se venger c’est s’abaisser au niveau de son agresseur, comme contaminé par un poison qui augmente la souffrance en faisant qu’on ne reste plus soi-même.
- Quand bien même on se venge… Ne risque t’on pas d’obtenir en retour des représailles encore plus terribles, ce qui avivera encore plus la blessure initiale ?
- Enfin la vengeance attisée par la colère ne peut que générer un stress intense qui au final risque de provoquer des troubles physiques ou psychosomatiques.
- La liste peut être longue….
Si par ces évidences l’apaisement ne peut être retrouvé par le sentiment de la vengeance accomplie, que faut-il donc faire ?
La paix peut-elle se trouver dans le pardon ?
Pardonner ne signifie pas nécessairement oublier, ni nier.
Il est quasiment impossible d’oublier une attaque, des coups, de la méchanceté gratuite qui ont provoqué en nous une émotion intense qui se traduit par la colère, la peur, l’humiliation…
Se dire : « Ce n’est pas grave, je ne t’en veux pas… » pour minimiser l’effet n’est pas pardonner, c’est juste un refus de voir la vérité en face, une fuite mentale qui au final n’apportera pas d’apaisement profond.
Pardonner ne signifie pas non plus renoncer à ses droits.
Il est légitime de réclamer justice face à certaines agressions pour faire cesser des actes surtout s’ils perdurent. Auquel cas nier la mal qui a été fait revient à se nier soit même. Réclamer justice n’a rien à voir avec une vengeance personnelle, c’est une démarche vers la voie de la guérison.
Il ne sert à rien de nier sa souffrance.
Il est bon aussi de laisser remonter ses émotions même si on éprouve un sentiment de colère contre soi même parce qu’on s’est laissé avoir, même si cela peut engendrer de la honte.
Il est nécessaire d’exprimer sa souffrance, sa frustration.
L’idéal est de ne pas se replier sur soi en restant seul(e) mais au contraire de se confier à une personne de confiance discrète, un(e) ami(e) qui ne va pas vous accabler de conseils ni chercher à vous consoler à tout prix.
Hormis le fait que parler de sa blessure permet de se sentir moins seul pour la porter, cela permet de revivre l’agression avec plus de calme et en sécurité. En exprimant nos émotions, on les apaise tout en identifiant mieux les points douloureux.
A ce stade on doit découvrir et accepter ses propres fragilités en étant indulgent avec soi-même, se pardonner pour retrouver son estime de soi. Avoir un point sensible ne signifie pas être nul ! Accepter la souffrance qu’on nous a infligée permet de guérir et de la transformer à son avantage pour progresser.
Le pardon est une démarche longue comme une blessure qui doit cicatriser.
Après l’étape d’acceptation de sa propre souffrance on peut commencer à tenter de comprendre celui ou celle qui nous a fait mal et son geste.
Il ne s’agit pas de trouver des excuses à l’agresseur, ne nous trompons pas ! L’agression est parfois si forte, la blessure si profonde qu’on ne peut que haïr, aveuglé(e) par la colère et la douleur.
Mais avec le temps, un travail sur soi préalable, la colère peut alors laisser la place à un besoin de comprendre. La raison reprend sa place face aux émotions. Même si le geste reste grave, l’agresseur peut être vu comme un être humain avec sa fragilité et ses faiblesses. Bien sûr si celui-ci ou celle-ci reconnaît sa faute et demande lui-même pardon, il sera plus facile de pardonner, mais ce n’est pas toujours possible. S’entêter dans cette voie ne fera que raviver la douleur.
Afin de progresser sur la voie de la guérison et du pardon, il est aussi utile de se poser la question de ce que l’on a retiré de positif après avoir été confronté à une épreuve. Cela peut paraître surprenant de se poser cette question quand notre vie semble détruite, déchirée. Mais avec le temps, nécessairement une nouvelle approche de la vie se reformera, avec peut-être plus de sagesse dans notre vision de ce qui est important ou futile face à d’autres événements à venir, c’est :
- Apprendre à dire non quand ça ne correspond pas à nos valeurs.
- Mieux se connaître
- Ne pas chercher à se faire valoir
- Aller vers plus d’attention et de compréhension pour les autres.
Lorsqu’on est confronté à une grande épreuve provoquée par « l’autre », c’est pour toutes ces valeurs qu’il est important de faire ce chemin vers le pardon.
On ne pourra peut-être pas tout pardonner, mais plus la blessure est intense, plus nous sommes détruits plus il devient essentiel de progresser vers le pardon pour se reconstruire.
Le pardon brise des chaînes en offrant une liberté nouvelle pour continuer d’avancer, progresser vers le meilleur et surtout l’Être…
“La satisfaction qu’on tire de la vengeance ne dure qu’un moment : celle que nous donne la clémence est éternelle.”
Henri IV
Patricia Tintignac